En janvier 2019, j’ai effectué pour la première fois un stage de méditation VIPASSANA de 10 jours  au SRILANKA dans le centre Dhamma Anuradha. En partant pour cette aventure, je dois reconnaître que j’étais plus intéressé par la curiosité et le défi personnel de la retraite silencieuse que par l’initiation au Dhamma et les enseignements associés à la méditation VIPASSANA. En effet je ne savais pas vraiment ce qu’était VIPASSANA avant d’avoir vécu cette expérience inédite et d’une grande richesse.
Il y a un avant et un après VIPASSANA… et je vais essayer de vous expliquer pourquoi !
(La vidéo en fin d’article a été faîte 2j après et donc avant l’article…)

Qu’est ce que VIPASSANA ?

 

VIPASSANA est une technique de méditation. Elle serait la technique originelle développée et enseignée par Buddha il y a 2600 ans pour libérer l’Homme de ses souffrances et de la servitude de la négativité. C’est par cette technique que Buddha a atteint la dite “illumination”, stade ultime de la libération et du bonheur permanent.
Par une purification de l’esprit, la technique Vipassana te permet d’éliminer toutes les négativités qui se sont accumulées dans ton corps (inconscient&affect) afin de te permettre d’être ensuite équanime dans toutes situations (esprit parfaitement équilibré, conscient&raison).
En appliquant la technique Vipassana, tu t’intègres tout naturellement dans le Dhamma qui est la nature profonde de toutes choses. Vipassana est par ce fait une véritable philosophie de vie, d’ouverture d’esprit, d’accueil complet et sans jugement des vicissitudes qui nous traversent (colère, tristesse, désirs…), pour une compassion de l’autre à toute épreuve.

Et comment ça se passe ?

Les enseignements de la technique Vipassana durent obligatoirement 10 jours. Une fois terminés seulement, tu comprends la nécessité de ces 10 jours de travail progressif et intensif.
L’emploi du temps est le même chaque jour : lever 4h, coucher 21h30 avec plus de 10h de méditation. Tous les soirs à 19h tu écoutes 1h30 d’explications techniques, de philosophie de sagesse, de messages de motivation (il y en a besoin !) de SN GOENKA, la personne a “relancé” Vipassana depuis la Birmanie jusqu’en Inde (1969) et qui s’étend dorénavant dans le monde entier (plus de 100 centres). Voir http://www.dhamma.org pour plus d’infos.
VIPASSANA c’est 10 jours pendant lesquels tu es coupé de tout, dans le silence des mots et des regards avec l’Autre, sans aucune distraction (pas de téléphone, de livre, d’écriture, rien…). En fait, il y avait bien des distractions auditives : des concertos d’oiseaux, des chants de paons sauvages, et des sifflements d’écureuils (dont j’ignorais la qualité musicale !). N’est-ce pas une grande chance que de pouvoir s’extraire de notre mode “homo-distractus” l’espace de 10 jours pour un autre mode de vie ?
Pour les repas, il y en a deux à 6h30 & 11h (végétariens bien sûr). Le goûter de 17h (2 petites bananes, quelques gâteaux secs et du thé) est une véritable récompense après les 4h de méditations de l’après-midi (les plus dures). Les 20 repas de ce séjour se ressemblaient beaucoup mais ils étaient de qualité, frais et avec beaucoup de saveurs (cuisine locale Sri Lankaise). Des efforts étaient fait pour apporter des variations qui étaient toujours appréciables, mêmes si subtiles.
Bien entendu l’alcool comme tout intoxifiant et autres cigarettes sont proscrites et font partis des 5 precepts à respecter : ne pas tuer (même pas les moustiques ;-)), ne pas voler, ne pas mentir (aux autres… ou à toi même et c’est pour ça qu’il y a le noble silence…), et pas d’activité sexuelle (quelle qu’elle soit ;-)).
Nous étions 14 hommes et 30 femmes. Le centre étaient parfaitement symétrique avec un côté femme et un côté homme. Nous ne voyions la gente féminine que pendant les heures de méditations. Même si nous n’avions pas le droit de se regarder, un regard curieux de temps à autres était difficile à retenir…
Pour dormir, j’ai eu la chance d’avoir une petite cabane avec toilette et douche juste pour moi alors que les autres partageaient les sanitaires. J’étais en réalité en collocation avec une multitude d’êtres vivants, de petits insectes, fourmis grimpant de droite et de gauche, des écureuils traversant les plaintes en bois du toit, Léon mon petit gecko et de petites grenouilles qui remontaient les toilettes ou la douche… Ce qui est drôle à noter c’est le sentiment un peu négatif ou de dégoût du début du séjour envers ces petites bêtes, qui se transforme progressivement, pour finir à de l’attachement et de la reconnaissance pour cette belle Nature qui t’a apportée tes seules distractions, des plus simples et belles de ces 10 jours.
Le lit était constitué de planches en bois sur lesquelles étaient posée ce que je n’appellerais pas un matelas mais une couche de mousse sur laquelle avait du dormir des centaines de méditants sur les 10 dernières années sans que celui-ci n’ait été lavé ;-). La première fois que je me suis allongé, j’avais vraiment l’impression de dormir sur les planches. Au début un peu râleur de ce maigre confort et hygiène simple (en fait simplement non aseptisé…), je n’ai finalement jamais aussi bien dormi et ressenti autant de satisfaction dans un environnement aussi simple.
Cet environnement acétique est un moyen indispensable pour faire progresser la technique sur 10J et pour rester au maximum en “introspection” pendant toutes les activités (toilettes, repas, pauses…).
Pour finir, beaucoup de bénévoles sont présents pour te préparer à manger, s’occuper de l’entretien de l’espace et faire en sorte que toutes les règles soient respectées et que ton séjour se passe du mieux possible. Ce sont des bénévoles car une retraite Vipassana est gratuite, à la fin tu fais un don en fonction de tes moyens… Mais n’est-ce pas beau d’offrir à tout être humain la possibilité de vivre cette expérience de 10 jours sans aucune discrimination culturelle ou sociale?

Et comment on vit tout ça, de l’intérieur ?

10J c’est long, même très long… Les 5 premiers jours ont parus plusieurs semaines. Les 5 derniers sont passés bien plus vite. C’était très dur mentalement et physiquement. Ce stage est bien plus un entraînement intensif de méditation et de maîtrise de ton esprit qu’une simple retraite silencieuse, même si le noble silence est de mise et indispensable au déploiement de la technique Vipassana…
Le plus difficile à vivre pendant les 10 jours est bien la méditation par elle-même, pour les efforts physiques et mentaux mis en jeu. Rester assis toute la journée dans des postures de méditations provoque les premiers jours des douleurs importantes aux jambes et au dos. Ceci te vaut quelques marches en canard ou comme un petit vieux avec comme seul côté rassurant, le fait que pour les autres c’est pareil…
Au delà de la douleur physique, c’est vraiment la confrontation avec ton esprit, et la difficulté de te concentrer, de faire le vide qui est le plus dur. Cela demande des efforts mentaux permanents de tenir ces états 10h par jour. Plusieurs fois par jour tu en as marre, tu te demandes ce que tu fais là, tu as envie de partir, mais tu continues car malgré la difficulté, tu as l’impression d’y trouver quelque chose… Au bout de 3-4j dans cet environnement optimal, ton esprit commence seulement à se calmer. Cela ne veut pas dire que tu arrives à couper tes pensées pendant une heure, mais simplement qu’elles sont bien moins nombreuses, moins agressives. C’est plus doux et les moments entre deux pensées passent de un dixième de secondes à quelques dizaines de secondes (et ça c’est déjà énorme !).
A partir de là, tu apprécies vraiment certaines séances après lesquelles tu ressors vraiment serein, en pleine béatitude ! C’est extra ! Tu ne t’es jamais senti aussi bien de l’intérieur. Tu n’as jamais ressentie auparavant une impression si réelle et si profonde de ne faire qu’un tout avec ton environnement, tu te sens vraiment connecté à la mère Nature, le Dhamma. Tu te moques un peu de toi, de regarder si bêtement la nature et le moindre insecte avec un si grand smiley, mais tu ne peux pas t’en empêcher, tout ton environnement est si merveilleux !
VIPASSANA ne s’explique pas, il se vit, pour comprendre ce qui se réalise à l’intérieur de toi au bout de plusieurs jours de ces méditations intensives…
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La technique VIPASSANA

En réalité, les 4 premiers jours ne sont qu’une préparation mentale pour apprendre la technique VIPASSANA et la pratiquer de manière progressive sur les 6 derniers jours. Ils te permettent d’apprendre à reconnaître puis à aiguiser ton esprit. En calmant suffisamment ton mental, en augmentant ta concentration, tu arrives à améliorer la sensibilité de ton corps et de ton esprit. Un peu comme si tu travaillais un sixième sens en lien avec tous les autres, comme si tu travaillais ton odorat pour pouvoir sentir plus d’odeurs et les reconnaître, ton acuité visuelle pour voir plus net avec plus de nuances de couleurs, ou ton écoute pour mieux entendre et séparer les sons… Cette préparation des 4 premiers jours sert à mieux ressentir tes sensations corporelles, qu’elles soient sur la peau ou plus en profondeur.
En effet, le fondement de la technique VIPASSANA est basé sur les sensations de ton corps et à leur évolution. En observant les sensations de ton corps d’une manière complètement neutre dans ton esprit (on dit équanime = sans aucune aversion ni plaisir), pendant une période de temps suffisamment longue, tu libères progressivement toutes les émotions négatives accumulées dans ton corps (appelées Shankara). Tu sais, toutes ces frustrations, colères et tristesses que tu as eues tout au long de ta vie et qui te font éprouver les mêmes sensations dans ton corps quand tu y repenses… De manière concrète, imagines quelqu’un qui t’a fait beaucoup de mal, tu en es venu à le détester profondément. Chaque fois que tu vas recroiser/penser à cette personne, une sensation désagréable apparaît d’abord dans ton corps puis, ton esprit va interpréter cette sensation, la mentaliser et te faire penser et entretenir par la pensée ce sentiment de colère… Chaque émotion que tu vis commence d’abord par une sensation et tu ne fais que réagir à cette sensation… L’observation de cette émotion d’aide à prendre de la distance avec elle, ce qui fait que tu réagis moins à vif, avec plus de recul. Je vous rassure j’avais du mal à réaliser ceci avant Vipassana donc je comprends votre perplexité 😉
Pendant les 6 derniers jours, tu apprends donc à focaliser toute ton attention sur ton corps. Et si tu crois que tu le faisais avant, et que tu étais déjà à l’écoute de ton corps, là tu redécouvres quelque chose de surprenant. Tu commences par te concentrer sur de petites parties de tes bras, de tes jambes, de ta tête… C’est difficile à “ressentir”… puis progressivement, jour après jour, tu réalises que tu ressens de plus en plus de sensations : parfois des picotements, des coups de chaleurs, ça gratte, des sensations comme si des plaques se décristalisaient ou que ta peau bougeait… parfois de façon agréable, parfois désagréable. MAIS tu dois rester équanime quelle que soient les sensations, rester neutre dans ton esprit, en acceptant ce qui se passe le plus naturellement du monde. C’est là que le concept d’impermanence est introduit (Anitya – prononcé “Anitcha”). L’impermanence est une notion philosophique/métaphysique qui confère à toutes choses sa capacité à apparaître, être, et disparaître… Tout est impermanent : nous en tant qu’hommes, tous les phénomènes naturels, une sensation sur le corps, une émotion… Pour Buddha c’est l’impermanence qui crée la souffrance car c’est forcément non satisfaisant de voir quelque chose disparaître puisqu’on y a créé de l’attachement. Observer l’impermanence de ses sensations nombreuses et variées de manière équanime permet d’accepter par la suite l’impermanence de toutes choses avec sagesse et mesure, et donc… de ne plus souffrir.
Il y a une certaine logique que d’observer et habituer son cerveau à accepter tout ce qui se passe sans jugement et en reconnaissant que cela ne durera pas. Cela permet forcément de s’ancrer en toi pour ensuite tout relativiser et gagner en sagesse. On connaît aujourd’hui la capacité du cerveau à se reprogrammer comme un grand ordinateur suivant les programmes que tu lui mets.

Et après ?

 

Je finalise cet article 10 jours après être ressorti, ce qui permet d’avoir un “peu” de recul sur cette expérience inédite. Je suis très satisfait de cette expérience puissante et profonde et j’en retire beaucoup de choses. Premièrement je mesure davantage le véritable fonctionnement de l’esprit, du fait que toutes nos pensées sont si aléatoires…Quand tu observes ces pensées avec détachement et que tu ne vois que des choses impermanentes qui apparaissent et s’éteignent continuellement, sans parfois de raison apparente, tu relativises tant de choses.
L’entraînement VIPASSANA te permet d’aiguiser ton esprit et d’être capable d’observer de manière bien plus précise tes réactions mentales et physiques. Sur le physique on parle des sensations, celles émises en continue lors de n’importe quelle interaction sociale. Avant VIPASSANA, tu ressens moins tout ça, car tu ne t’ai jamais entraîné à le faire. Observer ses pensées et sensations en pleine conscience te permet d’en prendre le contrôle et de ne pas subir.  Bien sûr tout ceci est un entraînement de longue haleine ! En effet, même si je ressens déjà un profond changement intérieur, une plus grande stabilité et capacité à me concentrer, et une grande satisfaction d’avoir compris quelque chose, ceci est fragile et demande une régularité de pratique pour conserver l’acquis et surtout progresser. Les enseignements Vipassana te recommandent d’ailleurs de méditer 1h le matin et 1h le soir tous les jours. Je m’y tiens depuis la fin même si c’est très contraignant, même en voyage… Hier j’ai raté 2 séances pour la première fois et j’ai vraiment ressenti une différence dans ma journée.
Je suis aujourd’hui déterminé à mener cette expérience plus loin. Le gain est d’une si grande valeur tant personnelle que professionnelle, que le jeu en vaut la chandelle. A suivre…
J’espère que certains d’entre vous trouveront dans cet article une motivation pour réaliser cette expérience de développement très forte. C’est mieux je pense d’avoir une petite expérience de méditation et d’avoir déjà véritablement avancé sur la connaissance de soi pour être sûr de réussir (et être très motivé pour rien lâcher !). Après on peut toujours partir pendant les 10j si c’est trop difficile, pour réessayer une prochaine fois… Donc ne pas se mettre trop de barrière ni de pression non plus sinon on fait jamais rien ! 
Et qu’il est agréable et satisfaisant de faire un pas de plus sur le chemin de la sagesse, même si on ne connait pas vraiment la destination.
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